Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée



CHAPITRE VI.

Le soir étant venu, et les amis se trouvant assis sous un berceau, d’où la vue s’étendait au loin de tous côtés, un personnage d’un extérieur remarquable parut à l’entrée, et Wilhelm reconnut aussitôt le barbier.

Cet homme fit une profonde et silencieuse salutation, et Lénardo lui dit :

« Vous venez, comme toujours, très à propos, et vous ne tarderez pas à nous réjouir par votre talent. Je puis sans doute, poursuivit-il, en s’adressant à Wilhelm, vous révéler quelques particularités de l’Union, dont j’ose me glorifier d’être le lien. Personne n’en peut faire partie, s’il n’a quelques talents à produire, qui puissent servir à l’utilité ou au plaisir de toute société. Cet homme est un hardi chirurgien, qui, dans les cas difficiles où il faut déployer de la résolution et de la force musculaire, est prêt à seconder parfaitement son maître. Son talent, comme artiste barbier, vous pouvez en rendre vousmême témoignage : et, de ce côté-là, ses services nous sont aussi agréables que nécessaires. Mais, comme cette profession entraîne d’ordinaire une grande et souvent importune loquacité, il s’est soumis, pour s’exercer lui-même, à une condition : car toute personne qui veut vivre parmi nous doit s’imposer une certaine gêne, si, sous d’autres rapports, on lui laisse la plus grande liberté. Cet homme a donc renoncé à la parole, pour autant qu’elle sert à exprimer des choses communes ou accidentelles ; mais cette gêne a développé chez lui une faculté oratoire toute particulière, qui agit avec intention, avec agrément et sagesse, je veux dire le talent du narrateur.

« Sa vie est pleine de souvenirs singuliers, qu’il dissipait à