Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/334

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prement qu’en penser. Je m’endormis, et, quand je m’éveillai, je crus n’avoir fait qu’un rêve. Je sentais pour ma belle une sorte d’éloignement, et, tout en portant la cassette avec plus de soin que jamais, je ne savais s’il me fallait souhaiter ou craindre que ma femme reparût devant moi de grandeur naturelle.

Au bout de quelque temps, elle revint en effet un soir, habillée de blanc. Comme il faisait sombre dans la chambre, elle me parut d’une taille plus grande que de coutume, et je me souvins d’avoir ouï dire que tous les êtres de la race desondines et des gnomes devenaient beaucoup plus grands à l’entrée de la nuit. Elle vola, comme d’ordinaire, dans mes bras, mais je ne pus la serrer avec une véritable joie contre ma poitrine oppressée.

« Mon ami, dit-elle, je sens bien, à ton accueil, ce que je sais déjà par malheur. Tu m’as vue dans l’intervalle ; tu connais l’état dans lequel je me trouve à certaines époques ; par là ton bonheur et le mien est interrompu ; il est même sur le point de périr absolument. Je dois te quitter, et j’ignore si je te reverrai jamais. »

Sa présence, la grâce avec laquelle elle me parlait, eiracèrent aussitôt presque entièrement le souvenir de cette vision, qui d’ailleurs jusqu’alors ne m’avait guère semblé qu’un songe. Je l’accueillis avec vivacité, je l’assurai de mon amour, je protestai de mon innocence, et lui racontai le hasard de cette découverte : bref, je fis si bien, qu’elle parut elle-même rassurée et s’efforça de me rassurer à mon tour.

« Observe-toi bien, disait-elle ; vois si cette découverte n’a pas nui à ton amour, si tu peux oublier que je me trouve sous deux formes auprès de toi, si la diminution de mon être ne diminuera point aussi ton amour. »

Je la regardai : elle était plus belle que jamais, et je me dis à moi-même : « Est-ce donc un si grand malheur de posséder une femme qui devient de temps en temps une naine,^4-sorte qu’on peut la porter dans une cassette ? Ne serait-ce pas bien pis, si elle devenait une géante, et qu’elle enfermât son mari dans le coiïre ? > Ma bonne humeur était revenue. Pour rien au monde je n’aurais voulu renoncer à ma femme.

« Mon cher cœur, lui répondis-je, demeurons tels que nous