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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/353

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sante, et mes gens ne pouvaient la garder pour eux, si vivement que je les eusse priés et conjurés de rester bouche close, jusqu’au départ du vieux monsieur. Un de nous, nommé Fahrige, avait une intrigue d’amour avec la fille de la maison. Ils eurent un rendez-vous, et, ne sachant apparemment que dire de mieux à la belle, il lui raconta la plaisanterie, beau sujet de rire à gorge déployée. La chose n’en resta pas là ; la jeune fille colporta le récit avec la même gaieté, si bien qu’il parvint enfin aux oreilles du vieux seigneur, au moment où il allait se coucher.

Nous étions assis, plus tranquilles que de coutume, ayant fait tout le jour assez de vacarme, quand le petit sommelier, qui nous était fort dévoué, accourut en criant :

« Sauvez-vous ! On veut vous tuer. »

Nous nous levâmes en sursaut, et nous voulions en savoir davantage : le petit garçon était déjà parti. Je courus pousser le verrou. Déjà nous entendions heurter et frapper à la porte ; il nous sembla même qu’on la brisait à coups de hache. Sans raisonner, nous faisons retraite dans la deuxième chambre. Tous étaient stupéfaits.

« Nous sommes trahis ! m’écriai-je ; c’est le diable qui nous tient par le nez. »

Raufbold prit son épée. Je montrai encore une fois ma force de géant, et poussai, à moi seul, une pesante commode devant la porte, qui, par bonheur, s’ouvrait en dedans. Déjà nous entendions le tumulte dans la première chambre et des coups violents contre notre porte.

Le baron Raufbold semblait résolu à se défendre : je lui criai à lui et aux autres :

« Sauvez-vous ! Vous n’avez pas à craindre ici des coups seulement, mais un affront plus grand pour un gentilhomme- »

La jeune fille, la même qui nous avait trahis, accourut, désespérée de savoir son amant en danger de mort.

« Fuyez ! fuyez ! cria-t-elle en le prenant par la main. Venez, je vous emmènerai par les corridors, les greniers et les granges. Venez tous, et que le dernier retire l’échelle. »

Tous se précipitent vers la porte de derrière ; je monte encore un coffre sur la commode, pour repousser et raffermir les pan-