Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/129

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habitants séculiers ; et pourtant ils ne pouvaient porter les yeux vers les hauteurs sans songer à la guerre, à la violence et à la destruction.

Mais alors, se déroberà la ville, où la guerre nous offrait pour dernières et lamentables scènes, des hôpitaux, des soldats déguenillés, des armes brisées, des essieux, des roues, des affûts à réparer, des ruines de tout genre ; fuir dans cette paisible retraite, était un immense soulagement ; s’échapper des rues, où les charrons, les forgerons et d’autres artisans exerçaient sans relâche leurs bruyantes industries, et se cacher dans le petit jardin de la vallée des Prêtres, était une délicieuse jouissance. Affamé de repos et de recueillement, j’y trouvais le plus souhaitable asile.

16 octobre 1792.

La diversité inimaginable des ouvrages entassés, groupés, qui, à chaque pas qu’on faisait en avançant ou en reculant, en montant ou en descendant, présentaient un aspect différent, provoquaient le désir d’en esquisser du moins quelque partie. Il était d’ailleurs naturel que ce désir se réveillât chez moi, après tant de semaines pendant lesquelles il s’était à peine offert à mes yeux un objet qui fit naître cette envie. Je m’étonnais surtout de voir tant de rochers, de murailles et d’ouvrages de défense unis dans le haut par des ponts-levis, des galeries et certains mécanismes étranges. Un homme du métier aurait vu tout cela avec des yeux exercés, et il aurait admiré avec le coup d’œil du soldat la force de ces ouvrages : pour moi, je n’en pouvais apprécier que l’effet pittoresque, et j’aurais volontiers mis en œuvre mon faible talent, si toute espèce de dessin à l’intérieur des forteresses et alentour n’avait pas été sévèrement défendu.

19 octobre 1792.

Ainsi donc, après avoir tourné pendant plusieurs jours, solitaire et rêveur, dans ces labyrinthes, où les rochers naturels et les ouvrages de guerre avaient entassé à l’envi, en face les uns des autres, des masses escarpées, sans exclure les plantations, les vergers et les bosquets de plaisance : revenu à la maison, je