Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/34

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intérêts : mais tout homme supérieur, voué à la culture d’un art nu d’une science, serait exposé au même reproche. Heureux qui pourra le mériter à son tour !

Après le crime d’indifférence politique, on lui a imputé celui d’indifférence religieuse. Il serait plus facile encore de le justilier à cet égard. Les idées religieuses ne lui furent nullement indifférentes. Il les respecta, il les aima chez les autres. Toute croyance sincère avait droit à ses ménagements, à ses hommages. Il haïssait et méprisait sans doute la dévotion hypocrite, les exagérations intolérantes et persécutrices, mais il rangeait parmi les haïssables persécuteurs les frondeurs incrédules, les sceptiques railleurs ; il ne pardonnait pas à Voltaire ses attaques insultantes contre le plus vénérable des livres, celui qui offre à tout homme non prévenu la plus pure et la plus sublime empreinte de la Divinité.

Mais quelle fut la religion de Goethe ? Ses convictions varièrent aux diverses époques de sa vie. Il fut orthodoxe, piétiste, arien, pauthéiste, enfin adorateur d’un Dieu, d’une Providence, qui a tout fait, tout donné, qui se révèle dans le eœur de l’homme et dans la nature, dont la splendeur nous luit dans le soleil et dans l’Évangile ; en qui nous sommes, en qui nous serons après la mort. Nous ne prétendons point définir en si peu de mots la croyance de Goethe, mais telle qu’elle soit dans le fond, on l’aime celle croyance, parce qu’elle est humaine, généreuse, large, tolérante. Amie des croyances d’aulnii, elle est toujours prèle a les défendre coLtre les dédains et les violences. Aussi, la mission que Goethe a pu justement s’attribuer dans le domaine de la poésie 1, il l’a également remplie dans l’ordre de choses religieux: en religion, comme en littérature, il fut un libérateur.

Les troubles politiques et les guerres qui bouleversaient l’Europe affligeaient son âme paisible, indignaient le noble ami des sciences, des lettres et des arts. A l’âge de soixante-cinq ans, après tant de travaux glorieux, il aurait eu le droit d’assister en spectateur oisif àces luttes fatales ; il lui eût été permis de contempler du bord les orages : il aima mieux en détourner la vue ; ses regards, ses pensées, se dirigèrent vers l’Orient, et il y trouva une nouvelle source de poésie. Il composa le Divan, qu’il faut l’entendre expliquer et juger lui-même. Contre son habitude, il a fait suivre d’un ample commentaire cette œuvre poétique, dont le singulier mérite étonne plus encore, quand on réfléchit que Tailleur dut se préparer par


1. Voyez, d,ins ce volume, la p ;ige 16i.