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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/348

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Le 2. Le maréchal Lannes et le ministre Maret ont, je pense, parlé de moi favorablement. — Je connaissais le premier depuis 1806. — Je suis mandé pour onze heures du matin chez l’Empereur. — Un gros chambellan, M. Pôle, me dit d’attendre. —La foule s’éloigne, — On me présente à Savary et à Talleyrand. — Je suis appelé dans le cabinet de l’Empereur. — Dans ce moment, Daru se fait annoncer. Il est introduit aussitôt. — Cela me fait hésiter. — Je suis appelé une seconde fois. — J’entre. — L’Empereur est assis à une grande table ronde. 11 déjeune. A sa droite, à quelque distance de la table, est Talleyrand, à sa gauche, Daru, avec qui il parle de contributions.

— L’Empereur me fait signe d’approcher. — Je reste debout devant lui à une distance convenable. — Après m’avoir considéré un moment, il me dit : « Vous êtes un homme. » Je m’incline.

— Il me dit : « Quel âge avez-vous ? — Soixante ans. — Vous êtes bien conservé. Vous avez écrit des tragédies ? » Je réponds le plus nécessaire. — Daru prend la parole. Pour flatter un peu les Allemands, auxquels il était obligé de faire tant de mal, il avait pris quelque connaissance de notre littérature. Il était d’ailleurs versé dans la littérature latine et avait même traduit Horace. — Il parla de moi à peu près comme mes amis de Berlin en auraient parlé. Je reconnus leur manière de voir et leur sentiment. — II ajouta que j’avais traduit des pièces françaises et, par exemple, le Mahomet de Voltaire. — L’Empereur dit : « Ce n’est pas un bon ouvrage, » et il développa avec détail combien il était peu convenable que le vainqueur du monde fît de lui-rmême une peinture si défavorable. — Il porta ensuite la conversation sur Werther, qu’il devait avoir étudié à fond. Après plusieurs observations tout à fait justes, il me signala un certain endroit et me dit : « Pourquoi avez-vous fait cela ? Ce n’est pas naturel. » Et il développa sa thèse longuement et avec une parfaite justesse.

Je l’écoutai le visage serein, et je répondis, avec un sourire de satisfaction, que j’ignorais si jamais personne m’avait fait le même reproche, mais queje le trouvais parfaitement fondé, etje convins qu’on pouvait reprocher à cet endroit un défaut de vérité. « Mais, ajoutai-je, le poêle est peut-être excusable de recourir à un artifice qui n’est pas facile à découvrir, pour produire