Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/349

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

certains effets, auxquels il ne serait pas arrivé par une vôie simple et naturelle1. »

L’Empereur parut être de mon avis ; il revint au drame et fit des réflexions d’un grand sens, en homme qui avait observé avec beaucoup d’attention, comme un juge criminel, la scène tragique, et qui avait profondément senti que le théâtre français s’était éloigné de la nature et de la vérité.

Il en vint adx pièces fatalistes et il les désapprouva. Elles avaient appartenu à un temps de ténèbres. « Que nous veut-on aujourd’hui avec le destin ? disait-il. Le destin, c’est la politique. »

Il se tourna de nouveau vers Daru et lui parla de contributions. Je reculai de quelques pas et je me trouvai près de la tourelle, où j’avais passé, plus de trente ans auparavant, bien des heures de plaisir et aussi de tristesse, et j’eus le temps de remarquer qu’à ma droite, vers la porte d’entrée, se trouvaient Berthier, Savary et quelqu’un encore. Talleyrand s’était éloigné.

On annonce le maréchal Soult.

Entre un personnage de haute taille à l’abondante chevelure. L’Empereur le questionne d’un ton badin sur quelques événements désagréables de Pologne, et j’ai le temps de jeter les yeux autour de moi dans la salle et de songer au passé.

C’étaient toujours les anciennes tapisseries.

Mais les portraits avaient disparu.

Là avaifété suspendu celui de la duchesse Amélie, un demimasque noir à la main ; tous les autres portraits de gouverneurs et de membres de la famille.

L’Empereur se leva, il vint droit à moi, et, par une sorte de manœuvre, il me sépara des autres personnes qui formaient la file où je me trouvais. Il tournait le dos à ces personnes et me parla en modérant sa voix. II me demanda si j’étais marié, si j’avais des enfants, et d’autres choses relatives à ma personne.

Il me questionna aussi sur mes rapports avec la maison des princes, sur la duchesse Amélie, sur le prince, sur la princesse.


1. Cette réflexion de Goethe me semble peu d’accord arec l’assertion du chancelier de Muller. On lit dans ses Erinnerungen (Souvenirs) que, selon Napoléon, Goethe avait eu tort d’attribuer deux motifs au suicide de Werther, et de supposer que l’ambition trompée y avait concouru avec l’amour malheureux.