Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/401

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

poête : ainsi prit naissance le Lucien allemand, qui devait nous reproduire le grec d’autant plus vivement que l’auteur et le traducteur peuvent véritablement passer pour des esprits de la même famille.

Un homme d’un talent si supérieur a beau prêcher les bienséances, il se sentira quelquefois tenté de franchir les bornes, car le génie compte de tout temps ces témérités au nombre de ses priviléges. AVieland donna satisfaction à ce penchant en essayant de jouter avec l’audacieux, l’étrange Aristophane, et il sut traduire, adoucies par sa grâce native, ces plaisanteries aussi téméraires que spirituelles.

Sans doute une idée des grandes œuvres plastiques était nécessaire pour toutes ces peintures, et comme notre ami n’avait jamais eu le bonheur de contempler les chefs-d’œuvre qui nous restent de l’antiquité, il s’efforça de s’élever jusqu’à eux par la pensée, de les voir en imagination, en sorte qu’on doit admirer comme cet esprit excellent sait se faire une idée même d’objets éloignés de sa vue : et cela lui aurait réussi parfaitement, si une louable circonspection ne l’avait pas détourné de faire des pas décisifs ; en effet, l’art en général, et particulièrement l’art antique, ne se peut ni saisir ni comprendre sans enthousiasme. Celui qui ne veut pas commencer par l’étonnement et l’admiration ne trouve pas l’entrée du sanctuaire. Mais notre ami était beaucoup trop sur ses gardes : et comment aurait-il fait dans ce cas unique une exception à la règle de toute sa vie ?

S’il était proche parent des Grecs par le goût, il l’était plus encore des Romains par le sentiment. Non qu’il se fût laissé entraîner par le zèle républicain ou patriotique ; mais, tandis qu’il ne s’est trouvé en quelque sorte avec les Grecs qu’une ressemblance imaginaire, il trouve réellement ses égaux chez les Romains. Horace a beaucoup de rapports avec lui : esprit ingénieux, homme de cour et homme du monde, il est un juge intelligent de la vie et de l’art ; Cicéron est philosophe, orateur, homme d’Etat, citoyen plein d’activité, et tous deux sont parvenus d’une humble origine à de grandes dignités et de grands honneurs.

Combien notre ami, quand il s’occupe des ouvrages de ces