plaudir qu’une personne qui se distingue de la foule, une belle femme, un homme riche, un grand, s’intéressent à ce qui est bon et vrai, lors même que cela n’a pas lieu de la bonne manière.
En général, rien n’appartient moins au théâtre que la littérature et ce qui s’y rapporte. Tout ce qui s’agite dans cette sphère est si délicat et si important qu’il n’est pas une de ces questions controversées qui doive être portée devant le tribunal de la foule, qui ouvre de grands yeux et s’étonne. Qu’on n’invoque pas l’autorité de Molière, comme l’ont fait Palissot et d’autres après lui. On ne peut rien prescrire au génie ; il court avec bonheur, comme un somnambule, sur les arêtes aiguës des toits, d’où la médiocrité qui veille se précipite à la première tentative.
Palissot, non content de railler devant la cour et la ville ses confrères en littérature, produisit sur la scène une caricature de Rousseau, qui s’était annoncé dans ce temps-là en homme à paradoxes, mais avec assez de dignité. Ce qu’il y avait de singulier chez cet homme extraordinaire, qui pouvait choquer le mondain, était présenté ici non pas avec esprit et gaieté, mais d’une manière lourde et malveillante, et la fête de deux rois était déshonorée par la diffamation.
Cette hardiesse maladroite ne fut pas sans conséquence pour l’auteur ; elle eut même de l’influence sur toute sa vie. La société des hommes de génie et de talent qu’on désignait sous le nom de philosophes ou d’encyclopédistes s’était déjà formée, et d’Alembert en était un membre important. ll sentit quelles suites pourrait avoir une pareille incartade dans un pareil jour, devant une pareille société. Il s’y opposa de toutes ses forces, et, quoiqu’on ne pût avoir d’ailleurs aucune prise sur Palissot, on le traita en ennemi décidé de cette grande société, et l’on sut, de plus d’une façon, lui rendre la vie amère. Lui, de son côté, il ne resta pas oisif.
Il est tout naturel que cette ligue d’hommes extraordinaires ait dû trouver, à cause de ce qu’ils étaient et de ce qu’ils voulaient, beaucoup d’ennemis. Palissot fut du nombre, et il écrivit la comédie des Philosophes, qui fut jouée à Paris le 2 mai 1760.
Un écrivain continue le plus souvent comme il s’est annoncé, et, chez Lps hommes d’un talent moyen, le premier ouvrage ren-