Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/450

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Dès ce temps là, on parla toujours plus de la restauration du tableau. Elle fut entreprise fort tard. Quel véritable artiste se serait hasardé à prendre sur lui une pareille responsabilité ? Malheureusement, en 1726, Bellotti offrit ses services. C’était un pauvre artiste, qui, selon l’ordinaire, ne manquait pas de prétentions. En vrai charlatan, il se vanta de posséder un secret avec lequel il se chargeait de rendre à la vie la peinture effacée. Un petit essai éblouit les moines ignorants ; le trésor est livré à l’entrepreneur, qui l’entoure aussitôt d’une paroi de planches, et, caché derrière, il repeint de sa main profane le tableau du haut en bas. Les pauvres moines admirent le secret qu’il leur comniunique pour les aveugler entièrement, et qui n’était autre chose qu’un vernis ordinaire. » C’était, leur dit-il, une ressource infaillible pour l’avenir. »

S’ils firent encore usage de ce précieux moyen quand le tableau vint de nouveau à s’assombrir, c’est ce qu’on ne sait pas ; mais il est certain qu’on lui lit subir encore quelques restaurations parlielles, et l’on y employa la détrempe, comme on peut l’observer encore en quelques places.

dependant le tableau se dégradait toujours davantage, et la question de savoir à quel point on pouvait encore le conserver fut, entre les artistes et les administrateurs, le sujet de nombreux débats. De Giorgi, artiste modeste, d’un talent moyen, mais exclusif et enthousiaste, appréciateur de l’art véritable, refusa de mettre la main où Léonard avait mis la sienne.

Enfin, en 1770, sur un ordre donné u bonne intention, mais aveuglément, par la condescendance d’un prieur courtisan, l’affaire fut remise à un certain Mazza. Cet homme bâcla l’ouvrage de la bonne manière. Le peu de parties originales qui restaient, quoique deux .fois altérées par une main étrangère, gênaient son hardi pinceau : il les gratta avec le fer, et se ménagea des places unies pour ses barbouillages téméraires. Plusieurs têtes furent même traitées de la sorte.

Les amis de arts se révoltèrent. On blâma publiquement les protecteurs et les protégés. Des esprits vifs et singuliers attisèrent le feu ; la fermentation fut générale. Mazza, qui avait commencé son travail à la droite du Sauveur, s’arrêta, comme il travaillait à la gauche, et ne toucha pas aux têtes de Matthieu,