Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/451

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de Thaddée et de Simon. Là encore, il se proposait de repeindre le travail de Bellotti et de lui disputer le nom d’un Ërostrate. Mais la destinée voulut qu’après que le prieur complaisant eut accueilli une renommée étrangère, son successeur, amateur des arts, ne balançât pas un moment à éloigner Mazza, et cette décision sauva les trois têtes, en ce sens qu’on peut juger par elles le travail de Bellotti. C’est probablement cette circonstance qui fit dire qu’il restait encore trois téles du travail original.

Depuis cette époque, on discuta souvent, mais on ne fit rien de plus. Et quel autre embaumement aurait-on pu pratiquer encore sur un cadavre de trois cents ans ? En 1796, l’armée française franchit les Alpes d’une marche victorieuse. Elle était commandée par le général Bonaparte. Jeune, avide de gloire et à la recherche des choses renommées, il fut attiré par le nom de Léonard de Vinci dans le lieu, qui subsiste encore. Il ordonna sur-le-ehamp qu’on n’y logeât point de soldats et qu’on n’y causât aucun dommage. Il signa l’ordre sur son genou avant de monter à cheval. Bientôt après, un autre général n’eut aucun égard pour cet ordre ; il fit enfoncer la porte et transforma la salle en écurie.

La toilette de Mazza avait déjà perdu son éclat, et la transpiration des chevaux, plus pernicieuse que la fumée des mets de l’office monacal, ayant couvert incessamment les murailles, produisit sur le tableau une nouvelle moisissure ; l’humidité devint si forte qu’elle ruisselait et marqua son passage par des traces blanches. Plus tard, par un nouvel abus, on fit de cette salle un magasin à foin, puis on la consacra à d’autres services militaires.

Enfin l’administration parvint à la fermer et même à la murer, en sorte que, pendant un long temps, les personnes qui voulaient voir la Cène devaient monter par une échelle dans la chaire, accessible du dehors, d’où le lecteur édifiait les moines pendant le repas.

En 1800, survint la grande inondation : elle fit de la salle un marais. En 1-801, sur la proposition de Bossi, qui s’y trouvail autorisé comme secrétaire de l’Académie, une porte fut ouverte et le conseil d’administration promit ses soins pour l’avenir. Enfin, en 1807, le vice-roi d’Italie ordonna que la salle fût