Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/453

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mouvement de l’original, sans qu’on observât soigneusement la forme et la couleur. C’est pourquoi on ne trouve dans les plus riches galeries aucune copie antérieure au seizième siècle.

Mais le temps vint où un petit nombre d’hommes extraordinaires (parmi lesquels notre Léonard est rangé sans conteste, et considéré comme le plus ancien) portèrent la peinture, dans chacune de ses parties, au point de la perfection. On apprit à mieux voir et à mieux juger, et désormais la demande de copies d’excellents ouvrages ne fut pas diflicile à satisfaire, surtout dans les écoles où se pressaient beaucoup d’élèves, et où les ouvrages du maitre étaient très-recherchés. Toutefois les demandes se bornèrent dans ce temps-là aux petits ouvrages, qu’on peut aisément comparer avec l’original et apprécier. Quant aux grands travaux, il en fut tout autrement, alors comme plus tard, parce que l’original ne se peut confronter avec la copie : aussi ces commandes sont-elles rares. L’art et les amateurs se contentèrent donc d’imitations en petit, où on laissait au copiste beaucoup de liberté, et les suites de cet arbitraire se montrèrent outre mesure dans le peu de cas où l’on demanda des copies en grand, qui étaient presque toujours des copies de copies, et même faites d’après des copies réduites, exécutées loin de l’original, souvent d’après de simples dessins ou peutêtre même de mémoire. Alors se multiplièrent les peintres à la douzaine, qui travaillaient à vil prix. On faisait parade de peinture ; le goût déclina ; les copies furent toujours plus nombreuses ; elles obscurcissaient les murs des antichambres et des escaliers ; des commençants faméliques vivaient d’un chétif salaire, en reproduisant sur toute échelle les ouvrages les plus importants ; beaucoup de peintres passaient même toute leur vie à copier. Cependant on voyait encore daris chaque copie quelque divergence, qu’il faut attribuer au caprice de l’amateur ou du peintre, et peut-être à la prétention de se montrer original.

Ajoutons encore la demande de tapisseries, où la peinture ne semblait dignement enrichie que par l’or, et où l’on tenait pour maigres et misérables les plus admirables tableaux, parce qu’ils étaient sérieux et simples. C’est pourquoi le copiste ajoutait dans le fond des fabriques et des paysages, des ornements aux