Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/465

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Vespino. Matthieu porte devant lui un regard fixe, inanimé ; nul ne soupçonne le moins du monde le mouvement violent du corps.

Saint ThaddÉe. Dans Marcus, encore une tête inestimable. L’angoisse, le soupçon, le chagrin, se révèlent dans tous les traits. L’unité de cette figure émue est admirable ; elle s’accorde parfaitement avec le mouvement des mains, que nous avons expliqué. Dans Vespino tout est généralisé ; il a rendu la tête insignifiante en la tournant trop vers le spectateur, tandis que, dans Marcus, le côté gauche en forme à peine le quart, ce qui exprime à merveille le soupçon, la défiance.

Saint Simon, le plus âgé, n’est qu’un profil opposé au profil pur du jeune Matthieu. La lèvre inférieure proéminente, que Léonard aimait tant dans les vieilles figures, est ici des plus exagérées, mais elle produit avec le front sévère et surplombant un excellent effet de chagrin et de méditation, ce qui forme une opposition très-prononcée au mouvement passionné du jeune Matthieu. Dans Vespino, c’est un vieillard décrépit, débonnaire, incapable de prendre aucun intérêt à l’affaire la plus importante qui se passe en sa présence. .

Après avoir considéré les apôtres, tournons-nous vers le Christ. Ici nous retrouvons la légende qui rapporte que Léonard de Vinci ne sut achever ici ni Jésus ni Judas, ce que nous croyons sans peine, car, avec sa méthode, il était impossible de mettre la dernière main à ces figures capitales. Aussi, après tous les obscurcissements que l’original a dû subir, la physionomie ébauchée du Christ devait-elle y produire un assez fâcheux effet. Que Vespino ait trouvé peu de chose, c’est ce qu’on peut conclure de ce qu’il a produit une tête colossale de Christ, tout opposée au sentiment de Vinci, sans même observer le moins du monde l’inclination de la tête, qui devait nécessairement être mise en parallèle avec celle de saint Jean. Nous ne disons rien de l’expression : les traits sont réguliers, bienveillants, intelligents, tels que nous sommes accoutumés à les voir dans le Christ, mais sans la moindre sensibilité, en sorte que nous ne saurions presque dire à quelle histoire du Nouveau Testament cette tête pourrait convenir.

Heureusement les connaisseurs nous assurent que, dans la