Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/481

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allemande. Là il ne semble pas distinguer assez soigneusement ; il enveloppe tout dans une égale condamnation, quoiqu’il soit sorti même de ce mouvement chaotique quelques bons résultats. Mais ces poèmes et ces passages sont rares dans son recueil ; ils s’expriment par emblèmes, et sont à peine intelligibles sans clef. C’est pourquoi il y faut aussi sous-entendre ce que pense d’ailleurs le poète.

On soupçonne aisément qu’une nature si délicate, recueillie en elle-même, éloignée du monde, ne fut pas fortement encouragée dans sa carrière, aidée, entretenue dans une sereine activité. Mais qui peut dire qu’un sort pareil lui soit échu t Aussi trouvons-nous déjà dans quelques-unes de ses premières poésies un léger malaise, qui perce inopinément à travers l’allégresse du chant de ronde, comme à travers les joyeuses fêtes de l’amour et de l’amitié, et qui ôte à certains endroits d’admirables poésies un intérêt général. Plus tard nous remarquons d’autres chants, où les efforts contrariés, la croissance gênée, le succès troublé, les blessures de toute sorte, sont déplorés doucement, et où sont regrettées les époques perdues de la vie. Mais ensuite il se présente avec force et puissance ; il combat obstinément, comme pour sa propre vie ; il trouve des paroles véhémentes, de graves invectives, si la sereine liberté d’esprit qu’il a conquise, si ce regard tranquille, qui a sa source dans la paix de l’âme, ce regard qu’il porte sur l’univers, sur son harmonie morale, si cet amour d’enfant pour Celui qui dirige et gouverne toutes choses, pouvaient être un peu inquiétés, gênés, troublés. Veut-on ravir au poète ce sentiment de sainte et universelle béatitude, veut-on produire quelque doctrine particulière, quelque opinion exclusive, quelque principe étroit, son’esprit se passionne, l’homme paisible se lève, il prend son arme, et marche avec emportement contre les erreurs qui le menacent si horriblement, contre la croyance irréfléchie et la croyance superstitieuse, contre toutes les illusions qui surgissent des profondeurs de la nature et de l’esprit humain, contre les préceptes, lés commandements, les anathèmes, qui obscurcissent le jugement, qui bornent l’intelligence, contre les gens qui crient à l’hérétique, contre les hiérarques, la prètraille et leur ancêtre, le diable corporel.