Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/67

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belles et les mieux élevées, avaient souhaité à Sa Majesté la bienvenue avec d’agréables discours, des fleurs et des fruits. Ses familiers lui déconseillaient d’y toucher, craignant le poison ; mais le Roi ne manqua pas de recevoir ces dons aimables avec une galanterie chevaleresque et d’en goûter sans défiance. Ces charmantes personnes inspirèrent aussi, semble-t-il, à nos jeunes officiers quelque confiance ; ceux qui eurent le bonheur d’assister au bal ne pouvaient assez vanter leur amabilité, leur grâce et leurs bonnes manières.

On songea aussi à deplus solides jouissances. Comme on l’avait espéré et supposé, il se trouvait dans la place d’excellentes et riches provisions, et l’on se hâta, trop peut-être, de s’en rafraîchir. Je pus observer que le lard fumé et la viande, le riz et les lentilles, et d’autres choses bonnes et nécessaires, ne furent pas assez ménagées, ce qui semblait fâcheux dans notre position. Ce fut en revanche un amusant spectacle de voir comme fut pillé tranquillement un arsenal ou un amas d’armes de toute sorte. On avait rassemblé dans un couvent toute espèce d’armes, plutôt anciennes que nouvelles, et plusieurs de ces engins bizarres avec lesquels l’homme en humeur de se défendre arrête son adversaire ou même le tue-.

Voici comment se passa ce pillage pacifique. Après la prise de la ville, les chefs militaires, voulant connaître l’état des provisions de tout genre, visitèrent également ce dépôt d’armes, et en même temps qu’ils les mettaient en réquisition pour les besoins généraux de la guerre, ils trouvèrent certains objets qu’on pouvait juger agréable de s’approprier, et personne ne faisait guère la revue de ces armes sans mettre à part quelque chose pour soi. Tous les grades se permirent ces libertés, si bien que ce trésor finit par devenir, peu s’en faut, un bien vacant : chacun donnait un petit pourboire au factionnaire pour visiter la collection, et en tirait ce qui était à son gré. Mon domestique fit son propre d’un grand bâton plat, fortement et soigneusement ficelé, et qui, au premier coup d’œil, ne promettait rien de plus, mais son poids annonçait un contenu redoutable, et en effet il renfermait une épée très-large, et longue d’environ quatre pieds, avec laquelle une main robuste aurait fait merveilles.