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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/74

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rien de positif, sinon que Clerfayt devait être aux prises avec les Français. Je rencontrai le major de Weyrach, qui, par impatience et par ennui, allait justement monter à cheval et se rendre aux avant-postes. Je l’accompagnai, et nous arrivâmes bientôt sur une hauteur d’où la vue s’étendait assez loin de tous côtés. Nous joignîmes un poste de hussards, et nous nous entretînmes avec l’officier, qui était un joli jeune homme. L’affaire se passait bien au delà de Grandpré, et l’officier avait l’ordre de ne pas avancer, pour ne pas provoquer sans nécessité un mouvement. Nous n’étions pas en conversation depuis longtemps, quand le prince Louis-Ferdinand arriva avec une faible escorte. Après une-courte salutation et quelques paroles échangées, il demanda à l’officier de se porter en avant. L’officier fit de pressantes représentations, mais le prince n’y eut pas égard, et poussa son cheval, en sorte que nous dûmes tous le suivre. Nous n’avions pas fait beaucoup de chemin quand un chasseur français se fit voir de loin, courut à nous jusqu’à portée de fusil, puis, faisant volte-face, disparut aussi vite qu’il était venu. Il fut suivi d’un second et d’un troisième, qui disparurent de même. Mais le quatrième, qui était probablement le premier, fit feu sur nous. Nous entendîmes siffler la balle. Le prince n’en fut pas ému, et ces gens continuèrent leur feu ; plusieurs coups partirent pendant que nous poursuivions notre marche. J’avais regardé plusieurs fois l’officier, qui était dans le plus grand embarras, entre son devoir et son respect pour un prince royal. Il crut peut-êlre lire dans mes regards quelque sympathie, car il vint à moi et medit : « Si vous pouvez quelque chose sur le prince, priez-le de se retirer ; il fait peser sur moi la plus grave responsabilité. Il m’est rigoureusement ordonné de ne pas quitter le po-te qui m’est assigné, et rien de plus raisonnable que de ne pas provoquer l’ennemi, qui est campé derrière Grandpré dans une forte position. Si le prince ne se retire pas, toute la chaîne des avantpostes sera bientôt alarmée ; on ne saura pas au quartier général ce que cela signifie, et les premiers reproches tomberont sur moi, sans qu’il y ait de ma faute. »

Je m’approchai du prince et je lui dis : « On me fait l’honneur de croire que je puis quelque chose sur l’esprit de Votre Altesse : je vous prie donc de m’écouter favorablement. » Là-