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Page:Goethe - Œuvres d'Histoire naturelle, trad. Porchat (1837).djvu/123

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COMPARÉE.

confirmai dans cette hypothèse par l’anatomie d’un jeune crocodile où chaque moitié de la mâchoire se composait de cinq portions osseuses enchâssées les unes dans les autres, ou chevauchant les unes sur les autres ; le tout se compose donc de dix parties. C’était pour moi une occupation aussi agréable qu’instructive de rechercher les traces de ces divisions dans les mammifères, et de les marquer sur des mâchoires, de manière à matérialiser aux yeux du corps ce que je croyais avoir découvert avec les yeux de l’esprit, et ce que l’imagination la plus hardie était à peine en état de saisir et de comprendre.

Chaque jour j’embrassais la nature d’un regard plus ferme et plus étendu ; je devenais en même temps plus capable de prendre une part sincère à tout ce qui se faisait de nouveau dans cette branche de la science, et m’élevais peu à peu à un point de vue d’où je pouvais juger, sous le rapport scientifique et philosophique, les travaux qu’engendrait le génie humain dans cette région du savoir.

J’avais employé beaucoup de temps à ces études, lorsqu’en 1795 les frères de Humboldt, qui souvent m’avaient servi de guides, comme deux météores brillants, sur le chemin de la science, firent un séjour assez long à Iéna. Les pensées dont ma tête était pleine débordèrent malgré moi ; je parlai si souvent de mon type, que, lassé de tant d’insistance, on me dit à la fin avec quelque impatience, qu’il fallait rédiger par écrit ce qui était si vivant dans mon esprit, mon intelligence et mon souvenir. Heureusement j’avais alors sous la main un jeune homme, ami de ce genre d’étude et appelé Maximilien Jacobi ; je lui dictai ma dissertation (voy. p. 23), telle qu’on la trouve dans ce recueil ; cette méthode est restée, à peu de chose près, la base de mes études, quoiqu’elle ait subi à la longue plus d’une modification. Le discours sur les trois premiers chapi-