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Page:Goethe - Œuvres d'Histoire naturelle, trad. Porchat (1837).djvu/170

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ANATOMIE

se dérober à l’influence de cette fatale scission. J’irai même plus loin, l’analyse exige tant de perspicacité, une attention tellement soutenue, une si grande aptitude à poursuivre les variations de forme dans les plus petits détails, et à les dénommer, qu’on ne saurait blâmer l’homme doué de toutes ces facultés, s’il en est fier et s’il regarde cette méthode comme la seule vraie, la seule raisonnable. Comment pourrait-il se décider à partager une gloire si péniblement acquise par de laborieux efforts, avec un rival qui a eu l’art d’atteindre sans peine un but où le prix ne devrait être décerné qu’au travail et à la persévérance ?

Assurément celui qui part d’une idée a le droit de s’enorgueillir d’avoir su concevoir un principe ; il se repose avec confiance sur la certitude qu’il retrouvera dans les faits isolés tout ce qu’il a signalé dans le fait général. Un homme ainsi posé a aussi cet orgueil bien entendu qui provient du sentiment de ses forces, et on ne doit point s’étonner s’il ne cède rien de ses avantages, et proteste contre des insinuations qui tendraient à rabaisser son génie pour exalter celui de son adversaire.

Mais ce qui rend tout rapprochement très difficile, c’est que Cuvier, ne s’occupant que de résultats tangibles, peut chaque fois exhiber les preuves de ce qu’il avance, sans présenter à ses auditeurs ces considérations nouvelles qui paraissent toujours étranges au premier abord ; aussi la plus grande partie, ou même la totalité du public s’est-elle rangée de son côté : tandis que son rival se trouve seul et séparé de ceux-là mêmes qui partagent ses opinions, faute de savoir les attirer à lui. Cet antagonisme a déjà souvent eu lieu dans la science, et le même phénomène doit se reproduire toujours, parce que les éléments opposés qui le constituent, se développent avec une force égale et détermi-