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ANATOMIE

Le lecteur me pardonnera si je fais passer devant ses yeux l’image de ce grand homme avec une promptitude si irrévérencieuse ; mais il nous suffisait de faire voir qu’il n’a point méconnu les lois générales, tout absorbé qu’il fut par les détails. En parcourant ses ouvrages nous acquerrons la certitude qu’il avait la conscience des grands problèmes dont s’occupe l’histoire naturelle, et qu’il a fait des efforts, souvent infructueux sans doute, pour les résoudre. Notre admiration n’en sera point diminuée, parce que nous voyons combien ceux qui sont venus après lui se sont hâtés de triompher avant d’avoir vaincu. En applaudissant aux élans de son imagination qui l’emportait dans ces hautes régions, le monde lui fit oublier que cette brillante faculté n’est point l’élément qui constitue la science que Buffon transportait à son insu dans le champ de la rhétorique et de la dialectique.

Afin d’écarter toute obscurité d’un sujet aussi important, je répéterai que Buffon, après avoir été nommé directeur du Jardin du Roi, s’efforça de faire, des collections confiées à ses soins, la base d’une histoire naturelle complète. Il embrassait tous les êtres dans son vaste plan, mais il les étudiait vivants et dans leurs rapports d’abord avec l’homme, puis entre eux. Pour les détails il eut besoin d’un aide, et fit le choix de Daubenton son compatriote. Celui-ci aborda le sujet d’un autre côté ; c’était un anatomiste exact et plein de sagacité. La science lui doit beaucoup ; mais il s’attachait tellement aux détails, qu’il n’a pas su reconnaître les analogies les plus frappantes. L’antagonisme de ces deux méthodes amena une rupture complète, et depuis l’année 1768, Daubenton ne prit plus la moindre part à l’histoire naturelle de Buffon ; il continua cependant à travailler tout seul.

Buffon étant mort dam un âge avancé, Dauben-