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Page:Goethe - Œuvres d'Histoire naturelle, trad. Porchat (1837).djvu/209

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BOTANIQUE.

sur moi. Qu’il me suffise d’affirmer ici qu’après Shakespeare et Spinosa, Linnée est l’homme qui a agi sur mon esprit avec le plus de force, et cela précisément à cause de la lutte intérieure qu’il provoquait en moi. En effet, tandis que je cherchais à m’approprier son ingénieuse méthode analytique, à connaître ces lois claires, faciles à appliquer, mais arbitraires, je sentais en moi-même le besoin impérieux de rapprocher toutes ces choses, qu’il séparait si violemment les unes des autres.

Le voisinage de l’Université d’Iéna favorisait mes études scientifiques. On y cultivait depuis long-temps avec un soin particulier toutes les plantes officinales ; et les professeurs Prætorius, Schlegel et Rolfink avaient contribué dans leur temps à l’avancement de la botanique. La Flore d’Iéna, publiée en 1718 par Ruppe, fit une vive sensation. Elle ouvrit aux explorateurs un champ immense, et, au lieu de se borner à l’étude de quelques espèces médicinales, parquées dans un jardin claustral, on put se livrer à la contemplation de la belle nature tout entière.

Les cultivateurs des environs, qui jusque-là s’étaient contentés de fournir des plantes aux pharmaciens et aux herboristes, s’efforçaient de prendre part à nos travaux, et quelques-uns avaient appris peu à peu la nouvelle terminologie. À Ziegenhayn, une famille se distinguait entre toutes ; l’aïeul avait été connu de Linnée, et la lettre autographe de ce grand homme, qu’il montrait avec orgueil, était pour lui un titre de noblesse botanique. Après sa mort, le fils continua son commerce qui consistait à apporter chaque semaine aux professeurs et aux étudiants, une collection des plantes qui se trouvaient en fleur dans les champs. Pourvoyeur habile et jovial, il poussait quelquefois jusqu’à Weimar, et c’est ainsi que j’appris à connaître peu à