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INTRODUCTION.

Deux expériences semblent être, au premier abord, la conséquence l’une de l’autre, et il se trouve qu’une longue série de faits intermédiaires suffit à peine pour les rattacher l’une à l’autre.

On ne saurait donc se tenir assez en garde contre les conséquences prématurées que l’on tire si souvent des expériences ; car c’est en passant de l’observation au jugement, de la connaissance d’un fait à son application, que l’homme se trouve à l’entrée d’un défilé où l’attendent tous ses ennemis intérieurs, l’imagination, l’impatience, la précipitation, l’amour-propre, l’entêtement, la forme des idées, les opinions préconçues, la paresse, la légèreté, l’amour du changement, et mille autres encore dont les noms m’échappent. Ils sont tous là, placés en embuscade, et surprennent également l’homme de la vie pratique et l’observateur calme et tranquille qui semble à l’abri de toute passion.

Pour faire sentir l’imminence du danger, et fixer l’attention du lecteur, je ne craindrais pas de hasarder un paradoxe, et de soutenir qu’une expérience, ou même plusieurs expériences mises en rapport, ne prouvent absolument rien, et qu’il est on ne peut plus dangereux de vouloir confirmer par l’observation immédiate une proposition quelconque. Il y a plus : l’ignorance des inconvénients et de l’insuffisance de cette méthode a été la cause des plus grandes erreurs. Je vais m’expliquer plus clairement, afin de me laver du soupçon d’avoir voulu seulement viser à l’originalité.

L’observation que vous faites, l’expérience qui la confirme, ne sont pour vous qu’une notion isolée. En reproduisant plusieurs fois cette notion isolée, vous la transformez en certitude. Deux observations sur le même sujet arrivent à votre connaissance ; elles peuvent être étroitement unies entre elles, mais le paraître encore plus qu’elles ne le sont réellement. Aussi est-on