Page:Goethe - Œuvres d'Histoire naturelle, trad. Porchat (1837).djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
BOTANIQUE.

ne peut pas s’empêcher d’obéir à l’impulsion secrète de son génie ; il essaie d’abord une ébauche imparfaite sans savoir ce qu’il fait ; mais bientôt il persévère sciemment dans la même voie. Voilà pourquoi tant de bonnes choses et tant de sottises inondent le public, et pourquoi la confusion n’engendre que confusion nouvelle.

La serisation que ces œuvres monstrueuses avaient faite en Allemagne, l’enthousiasme qu’elles excitaient aussi bien chez les grandes dames que dans la tête ardente des étudiants, m’épouvanta, car je crus avoir perdu ma peine. On ne voulait plus entendre parler de moi ; on déclarait frappés d’impuissance, et la manière dont je traitais mes sujets, et les sujets eux-mêmes. Henri et Maurice Meyer, ainsi que tous les artistes qui suivaient la même voie, tels que Tischbein et Bary, se trouvaient dans la même perplexité. J’étais fort embarrassé, et fus sur le point de dire adieu à l’art et à la poésie ; car comment pouvais-je espérer de surpasser jamais ces productions empreintes d’un génie sauvage et inculte ? Qu’on se figure l’état dans lequel je devais être ! je cherchais à communiquer aux autres les impressions les plus pures, et on me laissait le choix entre François Moor et Ardingbello !

Maurice, qui s’arrêta quelque temps chez moi à son retour d’Italie, me fortifiait dans mes idées. J’évitais Schiller, qui demeurait à Weimar dans mon voisinage. L’apparition de son Don Carlos n’était guère faite pour nous rapprocher. Je fus sourd à toutes les insinuations de nos amis communs, et nous continuâmes à vivre l’un près de l’autre, sans nous voir.

Sa dissertation sur la grâce et la dignité dans les arts avait augmenté notre éloignement réciproque. Schiller avait embrassé avec amour la philosophie de Kant, qui élève si haut le sujet en paraissant rétrécir son cercle d’ac-