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INTRODUCTION.

habile sait déduire de ses arguments. Des arguments peuvent avoir des relations très partielles ; mais un orateur ingénieux et doué d’imagination les force à converger vers un point commun, et joue son auditoire avec des apparences de bien et de mal, de faux et de vrai. De même, pour soutenir une théorie, on peut rapprocher des expériences isolées, et en tirer une espèce de démonstration plus ou moins fallacieuse.

Mais celui qui procède consciencieusement vis-à-vis de lui-même et des autres, tache d’élaborer soigneusement les expériences isolées, afin d’arriver aux observations d’un ordre plus élevé. Celles-ci seront formulées en peu de mots, coordonnées ensemble à mesure qu’elles se développent, et groupées de façon à former, comme des propositions mathématiques, un édifice inébranlable dans ses parties et dans son ensemble.

Les éléments de ces observations d’un ordre plus relevé consistent en un grand nombre d’expériences isolées, que chacun peut examiner et juger ; pour s’assurer ainsi que la formule générale est bien l’expression de tous les cas individuels ; car ici on ne saurait procéder arbitrairement.

Dans l’autre méthode au contraire, qui consiste à soutenir son opinion par des expériences isolées, qu’on transforme en arguments, on ne fait le plus souvent que surprendre un jugement, sans amener la conviction. Mais, si vous avez réuni une masse de ces observations d’un ordre plus relevé dont nous avons déjà parlé, alors on aura beau les attaquer par le raisonnement, l’imagination, la plaisanterie, on ne fera qu’affermir l’édifice loin de l’ébranler. Ce premier travail ne saurait être accompli avec assez de scrupule, de soin, de rigueur, de pédantisme même ; car il doit servir au temps présent et à la postérité. On coordonnera ces matériaux en série, sans les disposer d’une manière