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Page:Goethe - Œuvres d'Histoire naturelle, trad. Porchat (1837).djvu/305

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BOTANIQUE.

ou détruite sans que nous appelions cela une déformation. La rose double n’est pas monstrueuse, mais seulement anormale, une rose prolifère est déformée, parce que la corolle rosacée n’existe plus, et qu’elle a franchi ses limites régulières pour se prolonger à l’infini.

Toutes les fleurs doubles sont anormales, et c’est un fait à noter que toutes ces fleurs nous paraissent plus belles et exhalent une odeur plus forte et plus suave. La nature dépasse les limites qu’elle s’est elle-même imposées, mais elle atteint un autre genre de perfection, et nous faisons sagement de nous abstenir des locutions négatives. Les anciens disaient τέρας, prodigium, monstrum, un prodige, un augure digne de toute notre attention. Dans ce sens, Linnée avait imaginé fort heureusement le mot peloria.

Je voudrais qu’on se pénétrât bien de cette vérité, qu’il est impossible d’arriver à une intuition complète, si l’on ne considère pas le normal et l’anormal comme agissant ensemble, et réagissant en même temps l’un sur l’autre. Je vais en donner quelques exemples particuliers.

Lorsque Jaeger parle (p. 7) des déformations de la racine, il nous rappelle involontairement la métamorphose normale de cette partie dont l’identité avec le tronc et les branches est évidente. Dans les travaux nécessaires pour tracer une route sur une colline couverte de hêtres, on mit à nu les vieilles racines de ces arbres : à peine eurent-elles vu la lumière, à peine eurent-elles éprouvé l’influence vivifiante de l’air atmosphérique, qu’elles se couvrirent de feuilles et se transformèrent en un vert buisson. C’était un phénomène remarquable, dont on observe tous les jours des exemples. Les jardiniers sont sans cesse occupés à détruire les rejetons que les racines qui s’étendent sous terre poussent de tous côtés,