Page:Goethe - Faust, traduit par Albert Stapfer, 1828.djvu/9

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de leur vivacité, au dialogue un peu de son nerf et de sa vérité, au style en général une ombre de s souplesse et de son mouvement. Annoncer qu'on s'est proposé un tel but, nous le sentons, c'est avouer qu'on ne l'a pas atteint; aussi ne parlons-nous que de nos efforts, le lecteur jugera de ce qu'ils ont produit.

Deux mots maintenant du sujet de ce poème extraordinaire. Ce fut, à ce qu'on croit, au commencement du seizième siècle que vécut le docteur Faust, espèce de Don Juan du nord. Bien que parvenu aux plus hauts grades dans toutes les Facultés, et réputé sage parmi les hommes, ce docteur, dégoûté de la science, livra son arme à Satan; en retour de quoi celui-ci s'obligea de lui fournit et lui procura en effet un Esprit nommé Méphostophilis, ayant commission de lui faire passer ici-bas vingt-quatre ans de délices, ni plus ni moins, et de l'emporter ensuite dans l'autre monde, pour y souffrir à jamais. Ses aventures joyeuses et sa lamentable fin sont racontées au long dans un gros livre fort ancien, qui fut traduit de conne heure en plusieurs langues. La traduction anglaise donna au poète Marlow, contemporain de Shakspeare, l'idée d'une pièce, qui fut jouée de son temps, et dans laquelle, au milieu d'un grand nombre de bouffonneries grossières, éclatent des beautés du premier ordre.

Jusque vers la fin du siècle dernier le docteur, moins heureux dans son propre pays, y était demeuré relégué sur des théâtres de marionnettes, d'où, comme Polichinelle chez nous, il amusait la populace par ses espiégleries. Lessing alors imagina le premier qu'on pourrait traiter un tel sujet d'une manière sérieuse; mais des deux tragédies qu'il en voulait tirer, il n'existe qu'une très-courte scène, devant leur servir de prologue. Après Lessing vint Klinger, qui publia une espèce de roman philosophique, sous le titre de Faust, sa vie, ses actions et son voyage en enfer; puis enfin M. de Goethe, leur maître à tous, sur les brisées duquel il n'y a point d'apparence que personne s'aventure, autrement que pour limiter; ce que n'a pas dédaigné de faire lord Byron lui-même, dans son Deformed transformed, et quelque peu aussi dans son Manfred.

Pour être goûtées de nos jours, les absurdes légendes du moyen âge ont grand besoin de toute l'imagination et de tout l'esprit de M. de Goethe; aussi ne s'en est-il servi que comme on se sert d'un cavenas, sur lequel on brode absolument ce que l'on veut. La conception de Faust, envisagée sous ce point de vue, lui appartient donc en propre; et certes, il n'y a jamais été rien conçu de plus original, de plus étrange; jamais les fictions n'ont été portées à un excès de délire, qui dépasse de plus loin les bornes communes. Il faut avouer néanmoins que, si le poète a largement usé et, dans maint endroit peut-être, abusé du surnaturel, il faut avouer, disons-nous, que le sujet qu'il avait choisi excusait une telle licence, l'exigeait même