Page:Goethe - Le Renard, 1861, trad. Grenier.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au ventre. Sotte que j'étais! je me laissai séduire et me mis dans le seau; il descendit; l'autre remonta; nous nous rencontrâmes, Cela me parut bizarre. Je vous dis, pleine d'étonnement: «Qu'est-ce que cela veut dire?» Vous me répondîtes: «Monter et descendre, c'est ainsi que cela se passe ici-bas. C'est précisément ce qui nous arrive à tous deux: voilà le train du monde. Les uns sont abaissés, les autres sont élevés, chacun suivant ses mérites.» Je vous vis sortir du seau et vous en aller en courant, tandis que je restai au fond du puits et qu'il me fallut attendre tout le jour et recevoir force coups avant d'en sortir. Quelques paysans s'étant approchés de la fontaine m'aperçurent. En proie à une faim terrible, dévorée de tristesse et de frayeur, j'étais dans un état pitoyable. Les paysans se dirent entre eux: «Regardez donc, voilà, dans le seau, tout au fond, l'ennemi qui décime nos troupeaux.— Remontons-le, dit l'un d'eux. Je me tiendrai prêt à le recevoir, au bord du puits, il nous payera nos brebis!» La manière dont je fus reçue fut lamentable. Les coups plurent sur ma peau; ce fut le jour le plus triste de ma vie; à peine échappai-je à la mort.»

Reineke dit alors là-dessus: «Songez bien aux conséquences, et vous trouverez certainement que les coups vous ont fait du bien. Pour ma part, je préfère m'en passer, et, dans cette circonstance, il fallait que l'un de nous deux fût battu: impossible de nous en tirer ensemble! Si vous voulez y faire attention, cela vous servira de leçon, et, à l'avenir, en pareille circonstance, vous ne vous fierez à personne si légèrement. Le monde est plein de malice.

— Oui, répliqua le loup, on n'a pas besoin d'autre preuve! Personne ne m'a plus offensé que ce traître-là. Je n'ai pas encore raconté le tour qu'il m'a joué une fois en Saxe, parmi la gent des singes. Il me persuada de me glisser dans une caverne où il savait