Page:Goethe - Le Renard, 1861, trad. Grenier.djvu/216

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Reineke quitta fièrement la cour avec sa famille et quarante parents; on leur rendait honneurs et ils s'en réjouissaient. Reineke marchait le premier comme leur seigneur; les autres suivaient. Il était radieux; sa queue s'épanouissait, il avait conquis la faveur du roi, il était rentré au conseil et songeait au parti qu'il pourrait en tirer: «Je partagerai ma faveur avec ceux que j'aime et mes amis en jouiront, se disait-il; la sagesse est plus précieuse que l'or.»

C'est ainsi que Reineke, accompagné de tous ses amis, prit le chemin de Malpertuis, sa forteresse. Il se montra reconnaissant pour tous ceux qui lui avaient été favorables et qui étaient restés à ses côtés, au moment du péril. Il leur offrit ses services en revanche; ils se quittèrent et chacun retourna dans sa famille. Pour lui, il trouva chez lui sa femme Ermeline en bonne santé; elle le salua avec joie, lui demanda comment il avait fait pour échapper encore à ses ennemis. Reineke lui dit: «J'y suis parvenu! j'ai reconquis la faveur du roi; je siégerai comme autrefois dans le conseil, et ce sera à l'éternel honneur de toute notre race. Le roi m'a nommé tout haut devant tous chancelier de l'empire et m'a confié le sceau de l'État. Tout ce que Reineke fait et écrit reste à tout jamais écrit et bien fait; que personne ne l'oublie, j'ai donné au loup en peu d'instants une rude leçon; il ne m'accuse plus. Il est aveugle, blessé et toute sa race déshonorée; je l'ai bien arrangé! il ne servira plus à grand'chose en ce bas monde. Nous nous sommes battus en duel et je l'ai vaincu. Il n'en guérira pas de sitôt. Que m'importe! je suis son supérieur et celui de tous ceux qui faisaient cause avec lui.»

La femme de Reineke se réjouit fort; le cœur des deux petits renards se gonfla aussi d'orgueil au récit de la victoire de leur père. Ils se dirent entre eux joyeusement: «