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Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/135

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qui exigent de nous de la résignation dans les maux inévitables. Je n’imaginais pas, en vérité, que tu pusses être de cette opinion ; et pourtant, au fond, tu as raison. Seulement une observation, mon cher. Dans ce monde il est très-rare que tout aille par oui ou par non. Il y a dans les sentiments et la manière d’agir autant de nuances qu’il y a de degrés depuis le nez aquilin jusqu’au nez camus.

Tu ne trouveras donc pas mauvais que, tout en reconnaissant la justesse de ton argument, j’échappe pourtant à ton dilemme.

« Ou tu as quelque espoir de réussir auprès de Charlotte, dis-tu, ou tu n’en as point. » Bien ! « Dans le premier cas, cherche à réaliser cet espoir et à obtenir l’accomplissement de tes vœux ; dans le second, ranime ton courage, et délivre-toi d’une malheureuse passion qui finira par consumer tes forces. » Mon ami, cela est bien dit… et bientôt dit !

Et ce malheureux, dont la vie s’éteint, minée par une lente et incurable maladie, peux-tu exiger de lui qu’il mette fin à ses tourments par un coup de poignard ? et le mal qui dévore ses forces ne lui ôte-t-il pas en même temps le courage de s’en délivrer ? Tu pourrais, à la vérité, m’opposer une comparaison du même genre : « Qui n’aimerait mieux se faire amputer un bras que de risquer sa vie par peur et par hésitation ? » Je ne sais pas trop… Mais ne nous jetons pas de comparaisons à la tête. En voilà bien assez. Oui, mon ami, il