Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/149

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quand il eut saisi les deux pieds nus de la demoiselle avec ses mains, il se mit à galoper comme un cheval à travers champs. Personne n’a jamais su où ils étaient allés. Seulement il revint à demi mort, et, depuis ce jour-là, il commença à maigrir et dépérir à vue d’œil. Et une fois qu’on entra à l’écurie, au lieu de lui on ne trouva qu’une poignée de cendre à côté d’un seau vide. Il avait brûlé, brûlé tout à fait et de lui-même. Cependant ç’avait été un piqueur comme il n’y en a plus dans le monde. —

Dès que Spirid eut fini son histoire, chacun se mit à vanter les mérites du défunt piqueur.

— À propos, connais-tu l’histoire de la Cheptchikha ? dit Doroch en s’adressant au philosophe.

— Non.

— Eh, eh ! je vois qu’on ne vous apprend pas grand’chose dans votre séminaire. Eh bien, écoute. Nous avons ici, dans notre village, un Cosaque qui s’appelle Cheptoun[1]. C’est un bon Cosaque. Il aime parfois à voler et à mentir sans raison ; mais c’est un bon Cosaque. Sa maison n’est pas très-loin d’ici. Un jour, à l’heure où nous sommes maintenant, Cheptoun et sa femme, après avoir soupé, se couchèrent pour dormir. Et comme le temps était

  1. Marmotteur, qui parle bas.