Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/172

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s’avançant au-devant des chefs ; y a-t-il encore de la poudre dans les poudrières ? La force cosaque n’est-elle pas affaiblie ? Les Cosaques ne commencent-ils pas à plier ?

— Père, il y a encore de la poudre dans les poudrières ; la force cosaque n’est pas affaiblie ; les Cosaques ne plient pas encore.

Déjà Bovdug est tombé du haut d’un chariot. Une balle l’a frappé sous le cœur. Mais, rassemblant toute sa vieille âme, il dit :

— Je n’ai pas de peine à quitter le monde. Dieu veuille donner à chacun une fin pareille, et que la terre russe soit glorifiée jusqu’à la fin des siècles !

Et l’âme de Bovdug s’éleva dans les hauteurs pour aller raconter aux vieillards, morts depuis longtemps, comment on sait combattre sur la terre russe, et mieux encore comment on y sait mourir pour la sainte religion.

Bientôt après, tomba aussi Balaban, ataman de kourèn. Il avait reçu trois blessures mortelles, de balle, de lance, et d’un lourd sabre droit. Et c’était un des plus vaillants Cosaques. Il avait fait, comme ataman, une foule d’expéditions maritimes, dont la plus glorieuse fut celle des rivages d’Anatolie. Ses gens avaient ramassé beaucoup de sequins, d’étoffes de Damas et de riche butin turc. Mais ils essuyèrent de grands revers à leur retour. Les malheureux durent passer sous les boulets turcs.