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Préliminaire.

et goûter la tragédie, parce que la tragédie peint les passions qui sont de tous les temps, et appartiennent à tous les pays. La comédie, au contraire, s’attachant à poursuivre les travers et les ridicules, semble se renfermer par là même, dans les limites de sa contrée# Tous les peuples policés ont goûté les traits sublimes de Sophocle et d’Euripide, heureusement mis en œuvre par des hommes dignes de les traduire ; tandis que l’on ne s’est avisé de jouer encore sur aucun théâtre moderne les Oiseaux ou les Grenouilles d’Aristophane. Cet auteur a fourni à Racine quelques plaisanteries que l’on retrouve dans la comédie des Plaideurs, à peu près comme Plante indiqua à Molière les sujets de l’Avare, de l’Amphytrion ; et à Régnard, celui des Ménechmes. Mais quelques traits épars ne font pas un ouvrage ; et les pièces que l’on vient de citer, à peine tolérables à la lecture dans la traduction, ne l’eussent jamais été au théâtre.

La comédie tient de trop près aux mœurs d’un peuple, pour s’accommoder aisément à celles d’un autre peuple : les ridicules qu’elle attaque ne sont, le plus souvent, que des convenances locales, assujetties à la mobilité de l’opinion, et à la différence des climats. Ce qui nous paraîtrait le comble de l’extravagance, est quelquefois la chose du monde la plus simple en Angleterre ; et ce qui révolte un Anglais, ne souffre pas en Italie la moindre difficulté. Voilà ce qui fait principalement de la comédie une production, et, pour ainsi dire, une propriété vraiment nationale. Les Anglais, par exemple, font un cas infini des comédies