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Discours

de Farquhar, de Congrève et de Wicherly ; leur premier titre à cette admiration, c’est qu’elles offrent, disent-ils, une peinture fidelle des mœurs et des travers de la nation ; mais c’est précisément pour cela qu’elles sont excellentes à Londres, et qu’elles ne vaudraient rien par-tout ailleurs. Les pièces même de caractère, qui combattent des vices généraux, tels que l’Avarice, l’Hypocrisie, la Misanthropie, etc., ne sont pas susceptibles de passer, sans altération, d’une contrée à une autre ; parce que ces vices, quoique toujours les mêmes dans le fond, prennent nécessairement une teinte du caractère national. Un avare est autrement avare en France, en Angleterre, etc. Comparez l’Avare de Dryden avec celui de Molière ; l’Homme au franc procédé, avec notre Misanthrope, et vous sentirez ces déférences.

C’était donc un projet très-louable sans doute, mais démontré inutile par l’expérience, que celui de réformer la comédie italienne par la traduction des comédies françaises ; et le zèle des traducteurs fut bientôt refroidi par le peu de succès de leurs tentatives. Ainsi l’Italie, qui, jadis le berceau de tous les arts, les avait une seconde fois vu naître dans son sein ; l’Italie qui applaudissait, au seizième siècle, la Sophonisbe du Trissin, l’Œdipe d’Anguillara, la Marianne de Dolce, et vingt autres tragédies d’un mérite réel, tandis que la scène française était en proie aux Jodelle, aux Garnier, et aux Hardy ; l’Italie n’avait pas encore, au dix-huitième siècle, une comédie supportable. Celles de Rozzi ne sont que des farces grossières ;