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Préliminaire.

celles de l’Arioste ont le mérite du style et celui de l’intrigue : mais le fond en est ordinairement si trivial, et les mœurs si mauvaises, que quand Riccoboni voulut remettre au théâtre la Scholastica de ce poëte fameux, elle fut très-mal accueillie des spectateurs, et n’alla pas jusqu’à la fin. Le docte Picolomini, qui a tant et si bien écrit sur la morale, composa aussi pour le théâtre trois comédies en prose, dont la première est célèbre, du moins par son époque : elle fut représentée pour la première fois en 1536, à l’occasion de l’entrée solennelle de Charles-Quint à Sienne. Nous ne parlerons de la Mandragore de Machiavel, que parce que la réputation de son auteur ne nous permet pas de la passer sous silence. Il serait difficile d’imaginer un ouvrage plus scandaleux ; il ne s’agit de rien moins que d’un adultère favorisé par le complaisant époux et dirigé par un moine pervers. On trouve dans les œuvres du poëte Rousseau une imitation de cette pièce ; le fond de l’intrigue et les traits principaux sont très-adoucis : mais l’ouvrage est, en général, au-dessous du médiocre. Le nom seul de l’Arétin nous dispense d’entrer dans aucun détail sur ses comédies : on se figure aisément ce qu’elles doivent renfermer d’obscénités et de traits calomnieux.

Ce n’était donc ni dans leurs anciennes comédies, ni sur les théâtres de leurs voisins, que les Italiens devaient chercher et pouvaient se flatter de trouver les moyens de relever leur scène de l’avilissement ou elle était tombée. C’était au milieu d’eux que devait naître l’homme de génie capable d’opérer une pareille