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Discours

de Lettres, parce qu’on se croit quelque chose à côté de lui, ou que l’on a la ridicule prétention de le protéger ; de ces cercles, où l’odieux de l’oubli succède bientôt au ridicule de l’enthousiasme ; où, dupe trop facile des apparences, l’homme simple et bon prend pour de l’attachement et de l’intérêt, ce qui n’est qu’une puérile curiosité, qui, satisfaite en un moment, laisse après elle le dégoût d’une part, et de l’autre, le stérile regret de la perte d’un temps, dont le génie est comptable à la postérité.

Goldoni aima l’étude et travailla jusqu’à ses derniers momens. Le peu de succès des pièces italiennes qu’il donna en France, l’éloigna entièrement de ce genre de spectacle : mais il suivit le théâtre français avec assiduité. L’ensemble et la perfection des talens qui en faisaient alors le premier théâtre du monde, excitèrent en lui une généreuse émulation, et lui inspirèrent le désir de travailler pour ces grands Artistes. Il traite quelque part ce projet de témérité : cette témérité fut heureuse, et nous valut un chef-d’œuvre, capable lui seul d’immortaliser un écrivain ; c’est le Bourru bienfaisant. Cet admirable ouvrage termina la carrière dramatique de Goldoni ; et il fut vrai de dire de lui, qu’il se reposa sur des lauriers.

C’est à leur ombre paisible qu’il attendît la mort ; sans la désirer, ni la craindre, avec la résignation d’un chrétien et le courage que les philosophes ont dans leurs Livres, Il mourut au commencement de 1793, âgé de 36 ans, pleuré de tout ce qui l’avait