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iv
Discours

parce que les meilleures intentions du monde luttent toujours infructueusement contre l’ascendant irrésistible du génie.

Par déférence cependant pour les avis d’un bon père, Goldoni s’appliqua d’abord à la médecine. Mais, rebuté bientôt par les difficultés réelles d’une science, où presque tout est conjecture ; plus effarouché encore du jargon barbare qu’elle parlait alors, il passa de l’étude de la médecine à celle des lois ; et, renonçant à l’espoir de posséder jamais l’art qui guérit les hommes de leurs maux physiques, il se livra tout entier à celui qui les éclaire sur leurs droits, et qui fixe leurs prétentions respectives. Avec un esprit naturellement juste, une aptitude singulière à tout saisir, Goldoni devait faire et fit des progrès rapides dans sa nouvelle carrière ; et bientôt le corps respectable des avocats Vénitiens s’honora de le posséder. Son premier plaidoyer fut un chef-d’œuvre, et sa première cause une victoire éclatante remportée sur une de ces injustices d’autant plus difficiles à combattre, que le temps semble en avoir fait un droit, et qu’un long abus les a, pour ainsi dire, consacrées.

Il est des hommes dont on peut suivre là marche ; d’autres s’élancent dans la carrière, et atteignent le but du premier pas. Goldoni fut au nombre de ces ames privilégiées qui sont tout ce qu’elles veulent être et il eût honoré le barreau, comme il illustra le théâtre de son pays. Mais la gloire de ses premiers succès, cet aiguillon puissant qui décide si souvent