Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/172

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— Oh ! oui, l’infâme !… et pourtant je m’étonne encore qu’un homme de bon sens comme M. Burchell, un homme qui paraissait avoir de l’honneur, ait pu se rendre coupable d’une bassesse si froidement calculée, et s’introduire ainsi dans une famille pour la perdre !…

— Vous êtes, mon bon père, dans une étrange erreur. M. Burchell n’a jamais tenté de me séduire ; loin de là, il a saisi toutes les occasions de me signaler les ruses de M. Thornhill… Thornhill, pire cent fois, je le sais maintenant, que ne le disait M. Burchell !…

M. Thornhill !… est-il possible ? — Oui, monsieur ; c’est M. Thornhill qui m’a trompée, qui, pour nous attirer à Londres, a employé ces deux grandes dames, comme il les appelait, au vrai deux femmes perdues de mœurs, sans cœur et sans éducation. Leurs manœuvres, vous pouvez vous le rappeler, eussent certainement réussi sans la lettre dans laquelle M. Burchell leur adressait des reproches que nous avons tous pris pour nous. Comment a-t-il réussi à déjouer leur projet ?… C’est encore un mystère pour moi ; mais j’ai la conviction qu’il a toujours été notre plus chaud, notre plus sincère ami.

— Tu m’étonnes, ma chère ; mais, je le vois maintenant, mes premiers soupçons sur la scélératesse de M. Thornhill étaient fondés ; il peut, lui, triompher en toute sécurité ; car il est riche et nous sommes pauvres. Mais, dis-moi, mon enfant, à coup sûr, ce n’est pas une tentation ordinaire qui aurait pu détruire ainsi tous les effets d’une éducation, d’une disposition à la vertu comme la tienne.

— Oui, monsieur ; son triomphe, il le doit à mon désir de faire son bonheur plutôt que le mien. Je savais que la cérémonie de notre mariage, secrètement célébrée par un prêtre papiste, ne l’engageait en rien, et que je n’avais d’autre garantie que son honneur… — Comment ! êtes-vous bien réellement mariés par un prêtre ayant reçu les ordres ? Oui, monsieur ; nous le sommes, quoique tous deux nous