Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/184

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toute la compassion que lui inspiraient autrefois les malheurs d’autrui, et rien ne lui rendait le repos. Dans le monde, elle craignait le mépris ; dans la solitude, elle ne trouvait que l’anxiété. Telle était sa triste existence, quand nous reçûmes l’avis formel que M. Thornhill allait épouser miss Wilmot, pour laquelle je lui avais toujours supposé un attachement réel, quoiqu’il eût, devant moi, saisi toutes les occasions d’exprimer son mépris pour la personne et la fortune de cette jeune fille. Cette nouvelle ne fit qu’accroître l’affliction de la pauvre Olivia. Une si flagrante infidélité !… c’en était trop pour elle. Je résolus toutefois de prendre des renseignements plus certains, et, pour prévenir, s’il était possible, l’accomplissement des projets de son séducteur, d’envoyer Moïse chez le vieux M. Wilmot, avec mission de s’enquérir de la vérité, et de remettre à miss Wilmot une lettre qui lui révélerait la conduite de M. Thornhill dans ma famille.

Moïse partit pour exécuter ce plan, et revint, trois jours après, nous assurant qu’on nous avait dit vrai. Quant à ma lettre, il n’avait pu la remettre, et avait dû la laisser parce que M. Thornhill et miss Wilmot faisaient leurs visites dans le voisinage. Leur mariage devait avoir lieu dans peu de jours ; car, le dimanche avant son arrivée, ils avaient paru ensemble à l’église en grande pompe, accompagnés, miss Wilmot, de six jeunes demoiselles, M. Thornhill, d’autant de jeunes gens. L’approche de la cérémonie remplissait de joie tout le pays, et, chaque jour, les fiancés se promenaient ensemble dans le plus bel équipage qu’on eût vu, depuis longues années, dans le pays. Les amis des deux familles, et particulièrement l’oncle du Squire, sir William, qu’on disait si bon, étaient réunis chez M. Wilmot. On ne voyait que réjouissances et fêtes ; chacun vantait la beauté de la mariée et la grâce du futur ; ils passaient pour fort épris l’un de l’autre : conclusion ; Moïse ne pouvait s’empêcher de regarder M. Thornhill comme l’un des hommes les plus heureux du monde.