Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/216

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laisser une !… — Ah ! cher époux, me dit ma femme, vous avez, il me semble, plus besoin de consolation que moi ! Nous sommes bien malheureux ; mais je supporterais nos malheurs et de plus grands encore, si je vous voyais tranquille. Ils peuvent m’enlever mes enfants, tout au monde, pourvu qu’ils me laissent mon mari ! »

Moïse, qui assistait à cette scène, s’efforçait de calmer notre douleur. « Du courage ! nous disait-il, nous pourrons, j’espère, avoir encore sujet de rendre grâce au ciel ! — Mon fils, répondis-je, regarde ce monde, et vois s’il peut y avoir encore pour moi du bonheur. Toute lueur d’espérance n’est-elle pas éteinte ? Si l’avenir nous sourit, ce n’est plus que par delà le tombeau. — Mon père, voici, je l’espère, quelque chose qui va vous donner un moment de satisfaction… une lettre de mon frère George ! — De lui !… mon enfant ; sait-il nos malheurs ? Mon pauvre fils, j’espère, ne souffre pas des malheurs de sa famille. — Non, mon père ; il est parfaitement gai, parfaitement heureux ; sa lettre ne nous donne que d’excellentes nouvelles. Il est le favori de son colonel qui promet de lui faire obtenir la première lieutenance vacante.

— Es-tu bien sûr de tout cela ? reprit ma femme. Es-tu bien sûr qu’il n’est pas arrivé malheur à mon fils ? — Pas le moindre, ma mère ; vous allez voir sa lettre qui vous fera le plus grand plaisir ; et, si quelque chose peut vous consoler, ce sera elle, j’en suis sûr. -— Mais es-tu bien sûr que cette lettre est de lui, qu’il est réellement heureux ? — Oui, ma mère, elle est de lui, sans aucun doute ; il sera un jour l’honneur et le soutien de notre famille. — Oh ! alors, bénie soit la Providence de ce que ma dernière lettre à George ne lui soit pas parvenue. » Puis, se tournant vers moi : « Oui, mon ami, j’en dois convenir ; le ciel, tant de fois rigoureux pour nous, nous a, cette fois, été bien favorable. Cette dernière lettre à George, je l’avais écrite dans toute l’amertume de ma douleur ; je le pressais, s’il voulait que sa mère le