Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/72

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animait la fête. Pour surcroît de bonheur, deux merles se répondaient, de deux haies opposées ; le rouge-gorge venait familièrement nous becqueter des miettes dans la main ; autour de nous, chaque bruit ne semblait être que l’écho de la tranquillité. « Jamais, dit Sophie, je ne me trouve dans cette position que je ne songe à un délicieux passage de M. Gay, à ces deux amants qui se frappent et expirent dans les bras l’un de l’autre. Il y a, dans cette description, quelque chose de si touchant que je l’ai lue cent fois avec un ravissement toujours nouveau. — Selon moi, reprit mon fils, les plus beaux traits de cette description sont bien au-dessous de ceux de l’Acis et de la Galatée d’Ovide. Le poëte latin entend mieux l’usage du contraste, et c’est de cette figure, habilement employée, que dépend toute la force du pathétique. — Il est remarquable, ajouta M. Burchell, que les deux poëtes dont vous parlez ont également contribué à fausser le goût, dans leur patrie respective, en surchargeant leurs vers d’épithètes. Des écrivains sans génie ont très-facilement imité leurs défauts, et la poésie anglaise, comme la poésie latine des derniers jours de l’empire romain, n’est aujourd’hui qu’une marqueterie de pompeuses images sans but et sans suite. Ces épithètes sont autant de cordes qui enflent le son sans ajouter au sens. Peut-être, madame, quand je critique ainsi les autres, trouverez-vous juste que je les mette à même de prendre leur revanche ; et, tout de bon, je n’ai fait cette remarque que pour avoir occasion de soumettre à la compagnie une ballade qui, quels que puissent être ses autres défauts, est du moins, je pense, exempte de ceux que je viens de signaler.


BALLADE.


« À moi, bon ermite du vallon ! guide mes pas solitaires vers ce point éloigné d’où ta lampe réjouit la colline de son rayon hospitalier.