Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/134

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saintes a, comme les yeux clignotants devant le spectacle de la Splendeur divine, apparaissant dans le haut de la toile. En bas, c’est l’enfer, où un diable de féerie, à l’énorme mufle rouge, mange des damnés qui nagent sur une mer de feu, et des bords de laquelle, des centaures les percent de flèches et de lances, les renfonçant dans le liquide ardent : un enfer chrétien, où les trois académies nues, portant un bouclier et une massue, jouent les trois juges des enfers païens.


Paolo Uccelli qui a exposé aux Uffizi, ce choc de chevalerie au moyen âge, ce combat qui est le heurt simultané de mille duels à l’arme blanche, cette agglomération furieuse d’armures, de lances, de casques, où de grandes plumes rouges et noires se balancent sur cette mystérieuse mêlée masquée, sur ces faces d’hommes voilés de fer, et au milieu desquels des chevaux, à la croupe énorme, sont cabrés, ruant sur les cadavres, ou perdant le pied dans le sang : un tableau qui a le mouvementé des colères de la guerre corps à corps, un tableau dont s’est peut-être souvenu Eugène Delacroix, dans sa Bataille de Nancy ; — ce même Uccelli peignait, dans le même temps, pour Santa Maria Novella, une curieuse fresque : c’est le « Paradis terrestre » représenté par un verger plein de l’exubérant feuillage d’orangers, de figuiers, de pommiers, tout rougissants de fruits. Ici, Dieu tire de la côte d’Adam une Eve