Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/160

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papier, dont quelques-unes ont cinq cents ans, et qui, sur le blanc jauni et délité du papier, ont gardé des premiers maîtres de la peinture, les confidences intimes de leur art, pour ainsi dire, un fragment de journal des visions de leurs journées, — et parfois la première idée, ou, comme on disait alors, la pensée spontanée, impromptue d’une de leurs grandes compositions, jetée d’un crayon ou d’un pinceau courants. C’est de Masolino di Panicale, des études de gens assis ou debout, dans leur costume du temps, à la pierre d’Italie, avec des rehauts carrés de blanc sur du papier jaune ou rose ; — de Donatello, des études puissantes, féroces, d’aigles à la plume ; — de Maso Finiguerra, des croquis de la vie bourgeoise : un brave homme qui écrit sur ses genoux, un autre qui noue ses souliers sur un banc, un autre qui dort les bras croisés, des lavis sur trait de plume ; — de Filippo Lippi, la première idée, la macchia de son tableau de la Vierge, sur un papier jaune qui semble avoir été huilé, et où la pierre d’Italie ne laisse, pour ainsi dire, pas de noir, et sur le fond des lavis légers et des rehauts de blanc seulement dans la coiffe de la Vierge ; et encore de Felippo Lippi, de petits gribouillages de plume, spirituels comme des Gabriel de Saint-Aubin ; — de Botlicelli, des femmes drapées à l’antique et des anatomies savantes, un peu longuettes, exécutées tantôt au lavis sur trait de plume, tantôt au crayon