Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/174

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suavement lumineux de son « Jugement dernier ».

Parmi la lumière froidement blanche d’un jour de printemps, et où le bleu, le rose, le violet des vêtements, semblent tissés dans la soie céleste de fils de la Vierge, des saints et des martyrs, des vieillards à barbe blanche, des moines tonsurés, dans des robes de toutes couleurs, sous des manteaux de pourpre descendant jusqu’à leurs pieds posés sur des nuages, les mains jointes et croisées sur la poitrine, ou tenant un lis, une croix, un livre, un rouleau de parchemin, dans la tranquille et intérieure allégresse des Bienheureux, ont le regard tourné vers la gloire de Dieu : Rex æternæ gloriæ…vers un voile d’azur, d’où part le rayonnement diffus d’un soleil d’or, cerclé dans le haut par une sorte d’arc-en-ciel, où volètent les ailes de pourpre d’une multitude infinie, innombrable, de petits anges. Au bas les tombeaux ouverts. À gauche de Dieu, l’enfer dans lequel se voient des cardinaux, des papes condamnés au feu éternel. À droite des gens d’église et des laïques, des hommes, des femmes, les mains tendues vers le Tout-Puissant. Au milieu de ces élus, des anges à la grâce presque féminine embrassent de jeunes moines, ces jolis et candides moinillons, que l’artiste peint si amoureusement, et les retiennent dans leurs embrassements, d’une manière saintement douce, tandis que d’autres, à la porte d’un jardin enchanté, tout plein de fruits, les convient de la main à une