Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/207

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vant le tableau de « l’Évanouissement de Catherine de Sienne », me revenait l’histoire de cette sainte hystérique.

Je me la rappelais à l’âge de six ans, dans cette ancienne rue de la Valle piatta, levant les yeux vers cette église où j’étais entré, et voyant le Christ sur un trône, à travers un voile d’or tenu par des séraphins, et éprouvant une joie si puissante de cette vision, que secouée dans son extase par son frère, elle s’écriait : « Oh ! si tu pouvais voir les belles choses que je vois, tu ne me dérangerais pas ainsi ! » et la petite fille fondait en larmes. C’est elle encore, qui devenue une fille de Saint-Dominique, et demeurée sans instruction jusqu’à l’âge de trente ans, déclare que Jésus-Christ lui a appris à écrire dans une extase, en cette curieuse phrase : « Je commençai à écrire, comme en dormant ». C’est elle enfin, qui, à Pise, après un long agenouillement les bras en croix, tombait par terre, comme foudroyée, et se relevait rayonnante d’une beauté surhumaine, portant sur le corps, les stigmates de Jésus-Christ.

Ah ! l’incroyable extatique que cette Catherine de Sienne, à laquelle auraient été donnés, pour ainsi dire, des sens spirituels qui lui faisaient sentir une odeur fétide chez les êtres, en état de péché mortel, et qui, en ce temps des factions remplissant l’Italie de meurtres et d’empoisonnements, à cette époque des pestes noires