Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/29

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et placés sur des planches de bois. C’est là qu’ils sont enduits d’huile de graine de lin, l’hiver, deux fois la semaine, l’été, tous les deux jours.

Les marchands de fromages reconnaissent la bonté du fromage en l’auscultant avec un petit marteau de fer.

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Or, à notre arrivée à la ferme, le vieux fromager est sur la porte, sous son manteau de roseaux, avec ses bottes d’égoutier, la tête penchée sur un long bâton, comme en portent nos oncles de comédie, et au-dessus duquel on voit son œil malin, et le demi-sourire qu’une dent trop longue dessine sur sa lèvre supérieure… Il a déjà donné à terre, de mâle impatience, deux ou trois coups de son bâton, et enfin met à sa bouche le coquillage d’appel, et corne.

Car il est midi, et Jacopo, le jeune fromager, qui aurait dû finir de traire les vaches, s’amuse auprès des vachères, et la chaudière attend. Ah ! c’est toute une race libertine, et qui a le secret de se faire aimer des femmes, cette race des fromagers ! Mais le voilà, le Jacopo sortant de l’étable, sur sa tête, le baquet de lait fumant. Une merveille que ce jeune homme, au profil effilé, sous le petit bonnet pointu, ainsi que celui d’un Indien sur un morceau de talc, aux yeux noirs comme du jais, aux bras élégamment musculeux, sortant d’une chemise bouillonnée qui finit aux biceps, avec son petit tablier bleu voletant devant lui, et sa