Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/97

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tête le maitre du bal, en gilet blanc. À tous les cinq pas, chaque couple se prend par les mains, va et vient sur lui-même, s’écarlant et se rapprochant, puis se reprend par la main, remarche, et recommence à s’arrêter. Cette promenade, coupée par ces arrêts avec balancements, dure très longtemps. Puis l’orchestre joue une valse stridente, où les cuivres déchirent l’air et les oreilles. Et alors un tournoiement fou de valseurs et de valseuses, où les femmes passent leur mouchoir à leurs danseurs, pour que ceux-ci, en leur entourant la taille ne salissent pas leurs robes, — et qui valsent, ces valseurs, avec le bras gauche, collé contre leur cuisse, comme s’il était paralysé. La valse va, va, s’emporte, et les robes se battent, se mêlent, entrent l’une dans l’autre, balayant les murs, et comme elles sont ouvertes sur le côté, dans le branle de la danse, le jupon montre un triangle, pareil à un éventail blanc qui pendrait à la ceinture. L’entraînement est tel, que des spectateurs, de gros hommes obèses, aux gilets de futaine, se mettent à tourner, tourner, tourner, mécaniquement et béatiquement, à la façon des marionnettes sur un orgue.

L’orchestre joue toujours sa valse sonore, fanfarante, sa valse éternelle et sans repos, et les femmes, de petits châles rouges dans le dos, une raie sur le côté, des accroche-cœurs aux tempes, une touffe de cheveux