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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/137

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Toutes les révolutions de l’amour se faisaient dans Louis XVI. Ce mari si fermé, si armé jusqu’alors, si soucieux de maintenir sa femme hors de ses conseils, si jaloux de ne point laisser la fille de Marie-Thérèse s’intéresser à l’État, abandonnait tout à coup ses défiances[1]. Économe, il faisait violence à ses goûts, comblait Marie-Antoinette de cadeaux, de surprises, de diamants, et l’entourait de fêtes[2]. Les reproches de ses tantes ne grondaient plus dans sa bouche ; et ce Roi, sévère à la jeunesse comme un vieillard, ne savait plus blâmer la jeunesse de la Reine. Ne lui semblaient-elles pas, toutes ces vanités de la vie de Marie-Antoinette qu’il condamnait hier, l’occupation naturelle, fatale presque, mais transitoire et momentanée, d’une femme que les devoirs et l’emploi de la maternité enfermeront bien vite dans son intérieur, et que d’un seul coup le bonheur guérira du plaisir ?

Sans doute, parmi ces jours du commencement de son règne qu’abreuvent déjà les dégoûts et les calomnies, ce fut un beau jour pour Marie-Antoinette quand elle sentit battre enfin le cœur du Roi avec le sien, quant elle put s’appuyer sur cet amour, sur cette confiance, sur ce mari reconquis contre tous, reconquis sur le Roi. C’est alors qu’on la vit, enivrée, triomphante et radieuse, se montrer partout pour montrer sa victoire, aux bals de l’Opéra, aux courses de chevaux, aux bals du samedi de Madame de Guéménée. Elle ne lassait point de

  1. Correspondance secrète (par Metra), vol. III.
  2. Id., vol. IV.