Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/164

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blait gagnée par cette philosophie du coin du feu et cette sérénité égoïste des vieilles femmes du dix-huitième siècle : aussi n’est-ce pas chez elle une comédie de peur, comme le pensent quelques-uns de ses amis, mais vraiment une peur, quand elle est menacée de la place de gouvernante des Enfants de France. Le lendemain de l’entrevue de M. de Besenval avec la Reine, comment madame de Polignac accueille-t-elle M. de Besenval : « Je vous hais tous à la mort ; vous voulez me sacrifier !… J’ai obtenu de mes parents et de mes amis que d’ici à deux jours on ne me parlerait de rien et qu’on me laisserait à moi-même. C’est bien assez, baron ; ne me traitez pas plus mal que les autres ». Il fallait plusieurs jours d’insistance de la Reine, plusieurs jours d’obsession de sa société, lui répétant qu’une telle place n’est pas de ces choses qu’on refuse, pour décider madame de Polignac à accepter la succession de madame de Guéménée[1].

La Reine, en nommant la duchesse de Polignac gouvernante des Enfants de France, voulut qu’elle tînt un état digne de cette grande charge. Elle voulut que toute la noblesse, tous les étrangers de distinction fussent admis chez elle, et que des jours fussent réservés à une société intime. Elle-même venait dîner presque tous les jours chez le duc, tantôt avec un petit nombre de personnes dé-

    entraînée par les exigences de ses amis à abuser de l’amitié de la Reine. Son tort, sa faute sans excuse, c’est d’avoir sacrifié sa royale amie aux intérêts de sa société particulière.

  1. Mémoires du baron de Besenval, 1821.