Aller au contenu

Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Andlau ; le duc de Polignac, que sa fortune n’avait point changé, et qui était resté un homme parfaitement aimable. À ce monde se joignaient quelques étrangers distingués par la Reine, comme le prince Esterhazy, M. de Fersen, le prince de Ligne, le baron de Stedingk[1]. Mais trois hommes faisaient le fond de la société de Trianon et la dominaient : M. de Besenval, M. de Vaudreuil, M. d’Adhémar.

Il naissait alors des Français dans toute l’Europe. Pierre-Victor, baron de Besenval, était un Français né en Suisse. Il avait servi sous nos drapeaux. Il avait fait notre guerre, la guerre de Sept ans, à notre façon. Il y avait eu le feu et la gaieté de notre valeur. À l’affaire d’Aménebourg, renvoyé au camp, sa division hachée, il retournait se battre. « Que faites-vous encore ici, baron ? lui crie-t-on, vous avez fini. — C’est comme au bal de l’Opéra, répondit : on s’y ennuie, et l’on reste tant qu’on entend les violons[2]. »

M. de Besenval revenait à la cour avec ce mot et sa bonne mine. Voyez le bel air qu’il a dans l’eau-forte de Carmontelle : grand, le jarret tendu, la taille cambrée sous l’habit à brandebourgs, le profil fin et accentué au grand nez bien dessiné, l’œil spirituel, la bouche petite, troussée en une moue moqueuse et dédaigneuse, les mains dans les

  1. Mémoires de Besenval, de Mme de Genlis, du comte de Tilly, de M. de Ségur, et Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck. Introduction.
  2. Mélanges militaires, littéraires et sentimentaires, par le prince de Ligne, vol. XXIX.