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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/372

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entre la Reine et le fer qui la cherche, il n’y a plus que ce morceau de bois où se sont agités les destins de la monarchie ! Une poignée de gardes nationaux défend la table. Tout autour de la salle, la foule roule. Ce sont des armoires qu’on enfonce, des meubles qu’on brise, des rires : « Ah ! le lit de M. Véto ! Il a un plus beau lit que nous, M. Véto[1] ! » Bientôt les rires sont des éclats. Les portes de la salle du Conseil, brisées, vomissent le peuple… La Reine est debout, Madame est à sa droite, se pressant contre elle. Le Dauphin, ouvrant de grands yeux comme les enfants, est à sa gauche[2]. Madame de Lamballe, madame de Tarente, mesdames de la Roche-Aymon, de Tourzel et de Mackau[3] sont çà et là, autour de la Reine, sans place, sans rang, comme le dévouement. Les hommes, les femmes, les piques et les couteaux, les cris et les injures, tout se rue contre la Reine. De ces cannibales, l’un lui montre une poignée de verges avec l’écriteau : Pour Marie-Antoinette ; l’autre lui présente une guillotine ; l’autre, une potence et une poupée de femme ; l’autre, sous les yeux de la Reine, qui ne baissent point leur regard, avance un morceau de viande en forme de cœur qui saigne sur une planche. « Vive Santerre ! » crie soudain la foule. « Tenez !

  1. Déclaration du sieur Guibout.
  2. Rapport de l’évènement arrivé aux Tuileries le 20 juin 1792.
  3. Mémoires de Mme Campan, vol. II.