Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/48

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talante des jardins de Marly. » Les soucis de la vieillesse honteuse, l’incurable ennui de la débauche, s’enfuyaient de son cœur et de son regard aux côtés de la Dauphine. Auprès d’elle, il lui semblait respirer un air plus pur et comme la fraîcheur d’une belle matinée après une nuit d’orgie. Il voulait lui-même la promener dans les jardins de Versailles, et s’étonnait d’y trouver des ruines : son royaume l’eût bien plus étonné. L’aidant à sauter un amas de pierres : « Je vous demande bien pardon, ma fille, — lui disait Louis XV, — de mon temps il y avait ici un beau perron de marbre ; je ne sais ce qu’ils en ont fait… » À tous il faisait la question : Comment trouvez-vous la Dauphine[1] ? La Dauphine, heureuse, reconnaissante, donnait au roi mille caresses ; chaque jour elle avançait dans ses bonnes grâces. Mais la favorite prenait peur de cette petite fille, qui, en réconciliant le Roi avec lui-même, menaçait le crédit de son amour, et toutes les méchancetés de la femme et de la cour étaient par elle mises en œuvre contre la petite rousse : c’est ainsi que madame du Barry appelait la Dauphine. Elle critiquait son visage, sa jeunesse, ses traits, ses mots, sa naïveté, toutes ses grâces. Elle faisait savoir au Roi que la Dauphine s’était plainte à Marie-Thérèse de la présence de la maîtresse du Roi à la Muette[2]. Le Roi s’éloignait alors peu à peu de

  1. Mémoires secrets et universels des malheurs et de la mort de la Reine de France, par Lafont d’Ausonne. Paris, 1824.
  2. Revue rétrospective, vol. I, 2e série. — Arneth donne une lettre de Marie-Antoinette à Marie-Thérèse, en date du 19 juillet